C’est là que le cœur culturel de la province palpite. Inaugurée en 2016, la Médiathèque de Khouribga compte déjà plus de 12000 adhérents. Elle accueille les habitants de la région qui, comme en témoigne le dynamisme des activités, n’attendaient qu’un espace et un peu d’encadrement pour laisser s’exprimer toute leur créativité. Reportage.
De passage à Khouribga, elle vaut le détour. La médiathèque de la ville occupe 7 000 mètres carrés, juste en face de la toute nouvelle école 1337, spécialisée dans le codage informatique. Le bâtiment a été inauguré en 2016 dans le cadre du projet d’aménagement urbain “Mine verte” lancé par le Groupe OCP en 2009. C’est désormais un espace multiculturel unique dans la région. Six jours sur sept, du mardi au dimanche, la médiathèque propose une multitude d’activités, de 5 à 77 ans. Et ça marche! “Depuis août 2016, nous avons organisé près de 2700 activités qui ont bénéficié à plus de 32 000 personnes (qu’elles soient insc r i t e s o u n o n à l a médiathèque, NDLR),” nous indique Ait Brahim Lhoussaine, volontaire à travers le programme Act4Community du Groupe OCP.
Le slurry pipeline dope les capacités de production de l’OCP tout en lui permettant de gagner en flexibilité.
Car, à présent, c’est à deux mètres sous terre, dans un pipeline, que le phosphate sous forme de pulpe est transporté de Khouribga à Jorf Lasfar.
En abandonnant un mode de transport discontinu au profit de ce gros tuyau qui relie les deux sites en continu, la mine et la chimie ne sont plus qu’une seule et même usine, intégrées bien qu’à 187 kilomètres l’une de l’autre. Une révolution pour l’exploitation du phosphate au Maroc. Depuis son lancement en avril 2014, le slurry pipeline dope les capacités de production de l’OCP tout en lui permettant de gagner en flexibilité. La réduction des coûts de production est à donner le tournis, tandis que la réduction de l’impact environnemental confirme que l’OCP a fait là un choix d’avenir, tout en poursuivant l’exploitation centenaire de ressources formées il y a 60 millions d’années.
En tout, ce sont 12000 personnes qui ont pris leur carte d’adhérent. Autant dire que dans une ville de 200000 habitants, la médiathèque est devenue un centre névralgique. Et la politique tarifaire en matière de frais d’adhésion n’y est pas pour rien. “Nous avons fixé les frais d’adhésion annuels à des montants très modestes : 50 dirhams pour les enfants et les étudiants, 100 dirhams pour les adultes. Nous proposons aussi un pack familial à 200 dirhams par an. Quant aux Marocains résidents à l’étranger qui ne viennent que durant l’été, ils peuvent bénéficier d’un badge d’accès à 20 dirhams qui reste valable quelle que soit la durée de leur séjour au Maroc,” explique Ait Brahim Lhoussaine À l’intérieur, nous découvrons plusieurs espaces de lecture. Ici, pour la petite enfance. Là, pour les adultes. À l’étage, l’espace académique est dédié aux étudiants. Dans un silence monastique, ils révisent plongés dans les nombreux ouvrages disponibles sur place. Un espace est spécialement aménagé pour les personnes à besoins spécifiques. Du matériel dernière D génération permet, par exemple, aux malvoyants de lire un certain nombre de livres dédiés. “Au Maroc, plusieurs familles n’osent pas encore sortir avec leurs enfants qui ont des besoins spécifiques. C’est comme s’ils préféraient les cacher pour leur éviter d’avoir honte. Ce n’est pas normal. C’est précisément pour y remédier que nous faisons en ce moment du porte-à-porte chez les familles avec des enfants en situation handicap, pour les convaincre de les accompagner à la médiathèque”, explique Ait Brahim Lhoussaine Théâtre, musique, arts plastiques, poésie, lecture, gaming, cours d’informatique, formation à la photographie et au montage vidéo, séminaires, rencontres-débats… Le moins que l’on puisse dire, c’est que les usagers de la médiathèque ont le choix. Chaque semaine, de nombreuses activités y sont programmées. Parmi elles, un atelier qui remporte un certain succès auprès des plus jeunes visiteurs : “La citoyenneté par la culture”. Lors de sa dernière session, les six jeunes filles et quatre garçons qui ont participé à l’atelier ont préparé avec l’aide de leur encadrant une exposition photographique qui retrace l’histoire du Maroc. Les photos ont été présentées au grand public à l’occasion de la Fête nationale de l’indépendance. Dans un autre atelier, leurs camarades tout aussi créatifs ont préparé une étonnante exposition photographique baptisée “Le livre, continuité de l’esprit”. Ait Brahim Lhoussaine nous explique le principe : “Nous avons demandé à chaque enfant de choisir le livre qui le représente le mieux parmi ceux de la bibliothèque”. Le résultat? Des photos-montages plaisants et originaux, dont plusieurs trônent encore fièrement à l’entrée de la médiathèque, à la vue de tous les visiteurs.
Mais pendant que les enfants rivalisent de créativité, les parents ne sont pas non plus en reste. Pour eux, l’exposition vedette de la médiathèque, c’est celle de l’atelier de peinture et de dessin qui expose régulièrement ses œuvres depuis février 2016. Un groupe baptisé “Palette de rêves” rassemble vingt-cinq femmes et hommes de la région autour de cette même passion. Ils sont encadrés par Adil El Archi, diplômé des beaux-arts de Casablanca et Chaimaa Mirat, responsable à la médiathèque et assistante à plein temps. “Nous avons avec nous des médecins, des professeurs, des cadres bancaires, des cadres de la fonction publique. La majorité sont des femmes qui ont débuté la peinture ici”, explique Chaimaa Mirat. À titre d’exemple, les tableaux des participants de l’atelier actuellement exposés ont été réalisés à l’issue d’un cours sur l’école impressionniste. “Chaque dimanche, nous nous retrouvons dans l’atelier pour étudier un courant de l’histoire de l’art. Nous avons commencé avec l’art naïf, avec notre célèbre artiste nationale Chaïbia Talal. C’est un bon début, car dans ce courant artistique, l’erreur est permise. On n’est pas obligé de connaitre les règles de la peinture pour se lancer. Puis progressivement, nous nous sommes penchés sur l’abstrait et enfin l’impressionnisme,” explique l’encadrante avec pédagogie. Après cette exposition, les membres de l’atelier se lanceront dans un autre mouvement artistique, culte depuis les années 1960, représenté par les grands Andy Warhol ou Roy Liechtenstein : le pop art. Khadija Chakour, 49 ans, mère de deux enfants, est l’une des peintres en herbe exposées actuellement à la médiathèque. “La plupart des personnes inscrites dans cet atelier sont des femmes de mon âge. Elles travaillent, ou elles sont au foyer, mais elles avaient toutes abandonné le rêve d’enfant de faire de vrais tableaux. Moi, petite, je dessinais au crayon. Je n’avais jamais dessiné avec un pinceau,” explique-t-elle. Elle poursuit : “Quand la médiathèque a ouvert, je venais avec mes deux enfants pour qu’ils profitent des activités qui sont organisées. Avec une autre maman, nous étions un peu jalouses et nous avons demandé au professeur d’un atelier de dessin pour enfants s’il ne pouvait pas monter un atelier pour adultes.” Un vieux rêve d’enfant redevenu réalité. “Je ne connaissais rien des techniques de peinture. Aujourd’hui, je travaille avec de la peinture acrylique, à l’huile… et j’en suis à ma troisième exposition!” se félicite l’artiste.
Pour ceux qui préfèrent le cinéma ou le théâtre, il y a aussi de quoi faire. Au cinéclub, les projections se suivent, puis les films sont débattus. De grands noms du cinéma marocain y sont conviés tout au long de l’année. En août 2017, les adhérents ont eu le droit à une rare projection des courtsmétrages de Nour-Eddine Lakhmari produits dans les par le personnel de la médiaannées 1990... et en présence du réalisateur. Celui qui a depuis réalisé Casanegra et BurnOut a partagé son expérience, sa vision du cinéma avec le public khouribgi.
D’autres réalisateurs comme Abdelkebir Rgagna, Driss Roukhe, Abdelkhalek Fahid ou Souad Khouyi sont également passés par l’auditorium de la médiathèque, dans lecadre du rendez-vous culturel “Action 7”. L’atelier de théâtre, né il y a tout juste un an, plait aussi. “En juin 2018, on nous a proposé de suivre une formation pour encadrer un atelier de théâtre à la médiathèque. La formation a duré deux mois, nous y avons passé presque tout l’été,” explique Younes Boujanoui, président de l’association Al Rouad, fondée en 2010 à Khouribga, qui collabore avec la médiathèque sur ce projet. “Nous avons commencé avec 16 personnes au début. Aujourd’hui, l’atelier a beaucoup de succès. Il nous arrive d’accueillir jusqu’à 80 personnes par session”, assure Abderrazak Amer, encadrant de l’atelier de théâtre. Cet atelier témoigne des synergies entre la médiathèque et les associations établies de la région. “Pour nous, la médiathèque nous a apporté beaucoup de choses, à commencer par le local. Notre association n’en avait pas, comme beaucoup d’associations de la province.
Maintenant, nous nous retrouvons ici pour travailler, en plus d’encadrer les adhérents de la médiathèque qui veulent apprendre à faire du théâtre”, poursuit Abderrazak Amer, trentenaire passionné qui n ’ h é s i t e p a s à p a r le r d’“expérience extraordinaire”. En effet, l’atelier de théâtre ne s’arrête pas aux portes de la médiathèque. Les élèves d’une vingtaine d’écoles publiques de la région, situées en zone rurale, sont également initiés au théâtre. “Nous allons dans des écoles situées dans des zones reculées où les enfants ne savent bien souvent pas ce qu’est le théâtre ou le cinéma”, explique Abderrazak Amer. Pour leur faire découvrir l’art de la représentation dramatique, les membres de l’association, accompagnés par des volontaires du programme Act4community, organisent des ateliers d’expression orale et corporelle ainsi que des cours d’initiation au théâtre dans leur école. Le dernier projet en date s’appelle “Bel masrah nweli ntwassel mziane” (Le théâtre pour mieux communiquer). “Il vise cinq écoles de la province de Khouribga. Le but est d’arriver à monter une pièce de théâtre pour chacune de ces écoles à la fin du projet”, détaille Younes Boujanoui.
Houri Mohamed, qui travaille au sein du groupe OCP depuis 14 ans, est quant à lui passionné de jeu d’échecs. Fraichement élu à la tête du club “Al Farass Al Assil”, fondé en 1992 à Khouribga, l’homme est également impliqué dans les activités de la médiathèque. Avec d’autres membres du club, il vient dispenser des formations sur place à ceux souhaitent s’initier aux échecs. L’atelier est ouvert à tous les âges. Pour les enfants, l’objectif est de “développer leurs capacités mentales à travers le jeu et la stratégie”, explique Houri Mohamed. La médiathèque aussi des compétitions. “Récemment, une compétition a opposé les membres de notre club à ceux du club ‘Michâal Hazim’ de Casablanca. Il y avait une quarantaine de participants dans une ambiance sportive qui a plu à tout le monde”, se rappelle le président du club khouribgui. “Toutes les conditions sont là pour faire en sorte que la collaboration avec la média thèque donne lieu à d’autres compétitions tout aussi réussies,” estime-t-il. Son implication témoigne de la dynamique insufflée au sein de la médiathèque, notamment grâce aux salariés du groupe OCP, premier employeur de la région, et qui permet à ses collaborateurs — à l’initiative du présidentdirecteur général du groupe Mostafa Terrab — de dégager une à quatre semaines par an pour effectuer du volontariat au service de leur communauté. C’est ce que confirme Ait Brahim Lhoussaine, volontaire de Act4Community dans le pôle culture : “La dynamique de la médiathèque est intimement liée à celle du programme de volontariat Act4community.
Cette ouverture est basée sur le principe de l’agilité, de la libération des énergies portée par les collaborateurs OCP, mais aussi par les acteurs locaux”. Il poursuit : “Avant, ces programmes étaient préparés Lakhmari produits dans les par le personnel de la médiathèque. Actuellement, on prend en compte toutes les propositions faites par les acteurs et associations de la ville et des communes rurales aux alentours, ainsi que celles des cinq volontaires OCP, des passionnés de l’art et de la culture qui travaillent sur ce projet”. Un forum d’associations a aussi été mis en place pour faciliter la collaboration des acteurs impliqués dans les projets socioculturels de cette initiative. Au total, l’initiative Act4community a permis le lancement de centaines de projets phares dans différents domaines, notamment l’infrastructure, l’éducation, l’environnement de la création d’entreprises avec des startups et des coopératives locales. Et autant d’ouverture sur le monde pour ses bénéficiaires, comme à la Médiathèque de Khouribga.